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16 mars 2010 2 16 /03 /mars /2010 07:53
Voilà il fallait que ça arrive un jour... que ça t'arrive ! mais tu aurais pû attendre encore un peu.
Tu resteras dans nos coeurs pour toujours... tu sais celui qui rime avec amour.


HOMMAGE A JEAN FERRAT ( Julien Demets pour Evene.fr - Mars 2010)
'Nuit et brouillard' : autopsie d'une chanson 
Jean Ferrat s'est éteint samedi 13 mars 2010 à l'âge de 79 ans. Aux nécrologies de circonstance, aux hommages rendus par ceux qu'il dénonçait, préférons le portrait oblique que dessine du chanteur l'un de ses classiques, 'Nuit et brouillard'.

jean-ferrat1.jpg En 1963, Jean Ferrat est encore un espoir de la chanson française. Sorti trois ans plus tôt, son premier succès, 'La Môme', n'a toujours pas de successeur. Et bien que son premier 33 tours, également paru en 1960, ait reçu le prix de la Sacem, son seul autre fait d'armes est une adaptation d'un poème d'Aragon, 'Les Yeux d'Elsa', interprétée en 1956 par André Claveau. 'Nuit et brouillard' lui fait passer un cap. Figurant sur l'album du même nom, elle inaugure une série de succès poursuivie par 'C'est beau la vie' (1963), 'La Montagne' (1964), 'Potemkine' et 'Que serais-je sans toi ?' (1965), 'Ma France' (1969), 'Aimer à perdre la raison' (1971) ou 'La Femme est l'avenir de l'homme' (1975). De tous ces "tubes", c'est le premier qui saisit le mieux Ferrat, sa musique et son époque. Point de départ d'une carrière, elle est déjà le testament d'un homme.



Un hommage personnel
 NN. "Nacht und Nebel". jean ferrat 2
 Soit, en français, "Nuit et brouillard".
Le nom donné à un décret du Reich de 1941 ordonnant de faire disparaître certains prisonniers sans laisser de traces. Parce qu'il estime en effet qu'une condamnation pour travaux forcés constitue "un aveu de faiblesse", Hitler enjoint ses hommes à "prendre des mesures qui laisseront les familles et la population dans l'incertitude quant au sort des opposants". Ce sera la déportation. Pour l'avoir vécue, Jean Ferrat connaît cette histoire mieux que quiconque. Né Jean Tenenbaum le 26 décembre 1930, il a grandi dans le Versailles populaire en compagnie de ses frères, d'une mère fleuriste et d'un père joaillier. Lequel est raflé en 1941, puis envoyé à Auschwitz. Jean ne reverra plus ce père dont il ne savait presque rien : "Je ne connaissais pas ses origines, sachant à peine qu'il venait de Russie. J'ai su qu'il était juif quand il a dû porter l'étoile jaune." (1) 'Nuit et brouillard' n'a-t-elle pas été écrite "pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez" ?


Chanson du départ (le transfert des déportés, "nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés", est décrit avec davantage de précision que leur traitement dans les camps), 'Nuit et brouillard' caresse pourtant l'idée d'un retour : "Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux / Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge / Les veines de leurs bras soient devenues si bleues." Une façon, peut-être, de combler l'impossible deuil de ce père dont Ferrat n'a su la mort que deux ans après la fin des combats. Dans un répertoire où les ballades amoureuses et les vibrantes déclarations politiques ne laissent que peu de place à l'autobiographie, 'Nuit et brouillard' est une première brèche, masquée par le voile de l'histoire. Il faudra attendre 1991 pour que remonte à nouveau ce douloureux souvenir. Et avec lui, l'espoir jamais tari du retour : "Le vent violent de l'histoire / Allait disperser à vau-l'eau / Notre jeunesse dérisoire / Changer nos rires en sanglots / Amour orange amour amer / L'image d'un père évanouie / Qui disparut avec la guerre / Renaît d'une force inouïe." Le titre du morceau ? 'Nul ne guérit de son enfance'.




Un manifeste artistique

jean-ferrat-3.jpgDès 1956 était sorti "l'autre" 'Nuit et brouillard', un documentaire d'Alain Resnais sur les camps de concentration. Traiter ce sujet par le biais d'un film s'impose assez naturellement. Le faire dans une chanson de trois minutes, destinée aux ondes, relève presque d'une provocation, surtout en 1963. L'époque est aux yéyés. A l'insouciance, à la jeunesse. Les idoles du moment n'ont pas connu la guerre ou tentent, par quelques mélodies sucrées, d'en alléger les lendemains. A l'image des deux grands tubes de l'année, 'Da doo ron ron' (Johnny) et 'Première surprise-party' (Sheila), les chansons ont certes des paroles, mais plus de texte. 'Nuit et brouillard' le déplore : "On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours / Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour / Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire / Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare." Dans ce paysage musical au sourire crispé, la chanson de Ferrat casse l'ambiance. Et si le célèbre "Je twisterais les mots s'il fallait les twister / Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez", paraît sceller un pacte de coexistence pacifique entre le chanteur et la génération Salut les Copains, elle témoigne aussi d'une intransigeance artistique sans cesse défendue.

 Héritier des auteurs-compositeurs-interprètes traditionnels, Ferrat se veut un artisan de la chanson, un remède anti-strass. Aussi lâche-t-il fin 1994, alors que l'album 'Ferrat 95' est en tête des ventes devant Madonna : "Et je n'ai pas jeté ma petite culotte pour ça !" (2) Durant les dernières années de sa vie, ses interventions publiques sont autant d'occasions de tancer "la libre entreprise des marchés dans le domaine de la chanson [qui] conduit à un appauvrissement dramatique de la diversité culturelle". Et le chanteur de prendre le parti, comme depuis 'Nuit et brouillard', de cette "'chanson de paroles' ou la chanson artisanale, tous victimes d'une injustice inacceptable". (3) En 2001, il adresse un courrier à la directrice générale de France 2, Michèle Cotta, pour protester contre le bannissement des écrans dont son amie Isabelle Aubret est selon lui victime. Le combat est d'un autre âge (lutter contre le jeunisme ne justifie pas le "vieillisme"), mais il témoigne de la défiance du chanteur à l'égard du jeu médiatique. Déjà palpable dans 'Nuit et brouillard', celle-ci devait le conduire à quitter la scène en 1972, pour ne plus jamais y remonter. Lire la suite de 'Nuit et brouillard' : autopsie d'une chanson »

(1) Extrait d'une interview de Charles Silvestre publiée dans L'Humanité du 1er septembre 2004. (2) Dans le numéro de Paris Match du 15 décembre 1994, cité dans 'La Chanson française' de Céline Fontana (p. 128), éd. Hachette pratique, 2007. (3) Citations tirées d'une tribune parue dans Le Monde diplomatique en mai 2004.


à suivre....
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commentaires

Hello

  • Micha

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